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Déchets : À Zouk Mosbeh, une installation de tri éphémère pour donner l’exemple

Ziad Abichaker aménage une usine mobile sur un parking pour montrer aux habitants comment il est possible de faire disparaître une montagne de déchets.

Alors que l’État ne parvient pas à proposer une solution viable à la crise des déchets, dont le dernier épisode en date plombe le Liban depuis le 17 juillet, des citoyens commencent à se mobiliser pour réduire le volume des ordures qui s’amoncellent dans les rues. Parmi eux, Ziad Abichaker, fondateur et PDG de la société de recherche et de développement Cedar Environmental, décidé à montrer l’exemple.
« Chaque jour, en rentrant chez moi, je voyais des minimontagnes d’ordures qui ne cessaient de grandir » au pied des immeubles de Zouk Mosbeh, au nord de Beyrouth, explique l’ingénieur. Il endure ce paysage jusqu’au ras-le-bol. Un matin, ce Libanais d’une quarantaine d’années décide de passer à l’action. Au beau milieu d’un parking, près de l’Université Notre-Dame de Louaizé, l’ingénieur installe, avec une demi-douzaine de ses employés, les machines de tri de son entreprise. En quelques heures, une usine mobile de recyclage à ciel ouvert est montée.

Pour deux journées consécutives, Ziad Abichaker utilise ses propres convoyeurs pour trier les sacs d’ordures, et ses machines pour comprimer les cartons et les bouteilles d’eau. Les matières organiques passent dans une composteuse. Certains déchets en plastique sont broyés, et le plastique non recyclable sera transformé en panneaux, selon un procédé qu’il a breveté, baptisé Ecoboard. Les matières recyclables seront, elles, vendues à des usines spécialisées.Sous un soleil brûlant, casquette sur la tête et masque sur le visage, les employés de Cedar Environmental œuvrent toute la journée à faire disparaître les déchets ménagers devant quelques riverains venus applaudir l’initiative. « Deux jours suffisent pour au moins montrer que recycler, c’est possible », explique Ziad Abichaker. Avec, en bonus, la démonstration de l’incompétence de l’État à gérer cette crise.

La nécessaire mobilisation des municipalités
« On ne peut pas poursuivre l’opération trop longtemps », regrette toutefois Ziad Abichaker, qui ne lâche pas des yeux ses employés affairés à trier les ordures. Cette initiative citoyenne, Ziad Abichaker la finance lui-même. Et les revenus de la vente aux usines de recyclage, 200 dollars par jour, ne suffisent pas à le faire rentrer dans ses frais. « Ça coûte trop cher ! On mobilise des machines, des camions et des employés dont ce n’est même pas le travail. Ce sont des techniciens, pas des opérateurs », explique-t-il.
Mais Ziad Abichaker n’a pas de regret, l’initiative visant avant tout à pousser un cri d’alarme et à sensibiliser. « Je voulais montrer qu’il est possible de réduire à néant une montagne d’ordures », affirme l’entrepreneur. Et pour lui, si tout le monde se mobilise dans ce sens, le recyclage devient rentable.
« Nous appelons les municipalités à se joindre à ce mouvement. Elles doivent absolument prendre une décision car nous sommes dans une situation d’urgence, avertit le PDG de Cedar Environmental. Selon lui, il faut commencer avec un tri tout simple, dont il a fait la promotion dans une campagne lancée le 17 janvier dernier. Il s’agit de placer les déchets organiques dans un sac noir et les déchets recyclables dans un sac bleu. » « Si chacun procède de cette façon chez lui, nous pouvons nous en sortir. Mais c’est aux municipalités d’obliger les gens à le faire », lance-t-il, précisant qu’une quinzaine de municipalités à travers le Liban appliquent déjà le système de tri à domicile.

« Le problème vient du haut, pas des gens »
Plusieurs usines de recyclage existent déjà au Liban « et nos responsables veulent incinérer !
s’emporte Ziad Abichaker. Allez comprendre ! » Pour l’ingénieur, il est très facile de traiter les déchets ménagers qui s’empilent dans les rues. « Ce ne sont pas des déchets nucléaires, il ne faut pas exagérer. »
Le Liban dispose de toute l’infrastructure nécessaire pour transformer les déchets en nouveaux produits verts, assure l’entrepreneur, qui ne comprend pas comment, dans ce contexte, le gouvernement peut préconiser l’utilisation de techniques comme l’incinération et l’enfouissement, dont les conséquences peuvent être extrêmement néfastes pour la santé et l’environnement.
« Les gens veulent trier, insiste-t-il. Durant cette crise, les citoyens ont eu un comportement exemplaire. Ils ont commencé à trier, ça veut tout dire !
Alors que Beyrouth croulait sous les ordures, les habitants ont montré un réel désir d’adopter un nouveau mode de gestion de leurs propres déchets. »
Et de poursuivre : « On prétend que les gens ne sont pas prêts, mais le véritable problème vient d’en haut. » Il suffirait, selon lui, d’encourager les initiatives déjà mises en œuvre. « Mais personne ne veut entendre ce message », conclut Ziad Abichaker qui refuse, malgré tout, de baisser les bras.

 

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